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CONNAISSANCE DE SOI : Serge Marquis

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A première vue, il s’agit d’un petit traité de maîtrise de son mental. Mais finalement, c’est bien plus que ça: cet ouvrage, dans un style ludique et perspicace, vous apporte en toute simplicité les clés de votre liberté intérieure.
Le Dr Serge Marquis a eu l’idée de génie de représenter le mental encombrant et dominateur par l’allégorie de « Pensouillard le hamster »- « pensouillard parce qu’il pensouille beaucoup, mais pense finalement très peu ». Spécialiste en santé communautaire et auteur à succès québécois, cet homme prolixe à l’esprit particulièrement aiguisé, nous saisit par sa bonhommie, sa jovialité et sa perception si juste de la dualité à l’origine de la plupart de nos maux: le combat entre le mental et le coeur…

Tepaseul: Comment vous est venue l’idée d’écrire un ouvrage sur ce combat ancestral qu’on mène tous contre soi, entre son égo, – le mental- et son coeur -l’intuition-?
Serge Marquis: Ma première source d’inspiration a été l’observation de personnes capables un temps, sur leur lieu de travail, d’enthousiasme et de passion et la fois d’après, de profond découragement, voire de comportements extrêmes (actes de violence, agressivité) qui les conduisent à un jugement permanent et une autoflagellation destructrice. La plupart commencent par exemple un emploi avec vocation, mais sont capables assez rapidement de comportements extrêmes, d’agressivité et de mal-être au sein de leur emploi. Comment peut-on passer de la flamme sacrée à la flamme éteinte? Petit à petit, tout au long de ma carrière, à force de questionnements et d’observations multiples, m’est apparue une évidence: nous possédons un mental capable de nous causer bien des maux si on lui accorde trop de place. Une espèce de hamster qui, loin de se lasser à tourner dans sa roue, court et court encore en émettant des pensées négatives, des messages de peur, d’angoisse et d’inquiétude qui nous submergent et nous empêchent de nous fixer sur autre chose, qui nous incitent à mal nous comporter, quand on aurait plutôt besoin d’écouter son coeur pour aller mieux.
Tepaseul: Comment expliquer ce mécanisme?
SM: C’est très simple, les pensées négatives occupent toute notre attention puisqu’il est cliniquement démontré qu’on ne peut pas se concentrer sur deux pensées à la fois. Quand on est concentré sur une pensée négative, on se laisse totalement envahir par elle, donc on ne peut pas être pleinement dans l’instant présent, dénué de tension. Depuis la nuit des temps, l’homme a un cerveau habitué à repérer la menace. Cette menace déclenche une réaction de peur bien légitime. Ce réflexe qui était vital à l’ère préhistorique pour nous préserver d’un danger, n’a plus vraiment de raison d’être de nos jours, alors le danger potentiel extérieur actuel est tout simplement tout ce qui constitue une menace envers notre égo! L’égo est le résultat d’un processus d’identification: nous sommes ce que nous possédons, ce que nous faisons comme métier. Nous sommes recouverts de ce que j’appelle des pelures identitaires (je suis « médecin », j’ai deux voitures, une grande maison, un chien, j’ai tel parti politique, je suis ça avant tout »). S’il y a menace vis-à-vis d’une de ces pelures, il y a menace à la survie; DONC le réflexe vital va déclencher une réaction de peur et d’agressivité. Elémentaire.
Tepaseul: Donc quelle est l’attitude à adopter dans ces moments-là?
SM: Il suffit de comprendre que nous ne sommes pas réduits à notre égo. Nous sommes bien plus. Il vaut donc mieux s’entraîner à la vigilance en restant à l’affût de la course au hamster! Et la meilleure réaction quand on sent monter l’angoisse, c’est de la détourner en se concentrant sur nos sens.
Tepaseul: Dans votre ouvrage, vous nous donnez la méthodologie détaillée pour avoir raison de l’égo.
SM: Oui, pour éradiquer le mental, il suffit d’émettre de l’amour, de la créativité ou de l’émerveillement. Il y a une phrase qui a changé ma vie. Elle dit ceci: « il faut découvrir en nous ce qui ne vieillit jamais ». Cette phrase, à priori banale, possède un sens capital: nos possessions matérielles sont vouées à décliner, à s’user et à disparaître. A l’inverse, certains facteurs que nous possédons en nous ne vieillissent et ne disparaissent jamais, donc ne sont aucunement menacés: il s’agit de notre capacité à aimer, à s’émerveiller, à savourer, à apprendre et à transmettre. C’est ça que nous devons cultiver en permanence si nous souhaitons tenir à distance nos peurs et nos angoisses !
Tépaseul : Que conseilleriez-vous à des personnes qui se laissent déborder par leurs soucis matériels, par leurs dettes ou leurs situation sociale périlleuse ?
SM : Je leur conseillerais de se répéter en boucle qu’elles ne sont pas ce qu’elles possèdent ou ne possèdent pas, qu’elles ne sont pas leur statut provisoire de chômeurs ou d’employé malheureux. Si elles rencontrent des problèmes matériels importants, c’est peut-être qu’il est temps de se concentrer sur leurs talents : elles doivent s’interroger sur ce qui les fait vibrer vraiment dans la vie et réfléchir où ils peuvent les mener. En utilisant sa créativité pour se créer un nouveau mode de vie, on peut avoir bien des surprises. Beaucoup de personnes confondent « besoin » et « désir ». L’égo les incitera en permanence à posséder plus, comme si leur immortalité était proportionnelle au nombre de couches identitaires qui les caractérisent. Donc ils sont dans une course sans fin d’acquisitions multiples : « plus je possède, plus je suis ». La vérité est plutôt celle-ci : « plus je possède, plus je m’éloigne de moi ». Il faut parfois savoir se contenter de peu pour vivre plus heureux.
Tepaseul : Comment appréhendez-vous la solitude, pour votre part ?
SM : Pour moi, la solitude est un formidable terreau pour apprendre à se connaître mieux. Il faut apprendre à apprivoiser sa solitude pour la vivre bien. De toute façon, quand on apprend à découvrir ce qui ne vieillit jamais en soi (notre capacité à aimer, à s’émerveiller, à créer…), on n’est jamais seuls, puisqu’on est relié à l’univers ! Quand on laisse dominer le mental, tout manque de considération à son égard est interprété comme un jugement négatif de la part de l’autre et tout jugement accentue le sentiment de solitude. On s’inflige tellement de souffrances inutiles ! Ces souffrances sont des obstacles à savourer pleinement l’existence, d’où les dépressions et les pensées autodestructrices qui parfois conduisent à des maladies physiques ou mentales.
Tépaseul : Il faut donc se sortir de ce travers, en cultivant l’enthousiasme et l’amour de la vie…et en pratiquant également la méditation ?
SM : Bien sûr. Déjà, la méditation vous apprend à vous concentrer sur votre respiration pour laisser passer le flot de pensées inutiles qui vous assaillent dès que vous êtes seul face à vous-même. C’est un exercice très important pour apprendre à pratiquer ce que j’appelle la « décroissance personnelle », ou si vous préférez, pour apprendre à chasser le hamster qui court dans sa roue, à l’intérieur de votre tête. C’est un peu comme si vous l’apaisiez en le caressant de votre main et en lui disant « tout doux, tout doux, là, calme-toi, détends-toi, arrête de t’exciter comme ça… »
Cela ne signifie pas pour autant sa mort, -celle de notre égo-. Nous cessons juste d’être son esclave pour se concentrer sur les choses simples de la vie et en profiter en toute conscience.
Tépaseul : Un grand merci, Serge Marquis, pour ces recettes de mieux-être. Votre enthousiasme est réellement communicatif !
SM : Merci à vous et longue vie à Tépaseul ! Ce concept transmet un même enthousiasme à vos lecteurs, je suis ravi de son existence.

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